Mémosciences

 

Equilibre et mesure de l'acidité

Berthollet et l'expédition d'Egypte Découverte de l'équilibre chimique dans les Lacs Natron

Dr Patrice BRET (La Villette, Paris)

L'expédition d'Egypte occupe une place déterminante dans la vie et l'œuvre du chimiste Claude-Louis Berthollet (1748-1822), l'un des collaborateurs de Lavoisier qui ont forgé la Méthode de nomenclature chimique (1787) et fondé les Annales de Chimie (1789). D'une part, elle constitue la dernière phase de la longue parenthèse révolutionnaire qui l'a tenu à l'écart des recherches de laboratoire ; période de maturation qui le fait basculer de la chimie appliquée vers la philosophie chimique. D'autre part, elle consolide ses liens avec le général Bonaparte qui, devenu Premier Consul, lui fournit bientôt des revenus qui assureront l'existence de la Société d'Arcueil. Enfin et surtout, l'expédition d'Egypte est le révélateur du rôle des circonstances dans les réactions chimiques et le point de départ de sa théorie des affinités.

Berthollet découvre en effet dans le désert lybique au nord-ouest du Caire, que le carbonate de sodium se forme naturellement au bord du rivage calcaire des lacs salés du Wadi Natrun, alors que la réaction de laboratoire donne du carbonate de calcium. L'observation sera lourde de conséquences non seulement sur la théorie de Berthollet mais aussi sur les pratiques et l'image de la chimie, comme Cuvier le constate dix ans plus tard dans son Rapport à l'Empereur. «Le chimiste, obligé désormais d'avoir égard à tant de circonstances accessoires, et d'en mesurer la force pour en calculer les effets, ne pourra plus se dispenser d'être physicien et géomètre.»

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Historien, Patrice Bret est secrétaire du Comité Lavoisier chargé d'éditer sa correspondance. En parallèle, il poursuit un projet de recherche sur l'interaction entre chimistes et militaires durant la période contemporaine.

Des goûts et des couleurs
La mesure de l'acidité, de Boyle à Sørensen

Dr Brigitte Van Tiggelen (U.C.L.)

La distinction entre acides et bases fut longtemps une affaire de goût. Les chimistes reconnaissaient un acide à sa saveur aigre et une base à son goût de savon. Ils faisaient aussi usage de la réaction typique selon laquelle un acide mis en présence d'une base forme un sel.

Dans ses Experimenta et considerationes de coloribus (1680), Boyle tenta le premier une définition précise en utilisant des jus de plante qui rougissent au contact d'un acide. Ses recherches furent le point de départ de la colorimétrie.

Toutefois, les chimistes du début du XIXe s. observèrent que les sels d'un acide faible sont susceptibles d'affaiblir l'action d'un acide fort (effet tampon). La nécessité d'une mesure quantitative de l'acidité fut ressentie par les biologistes et les physiologistes qui s'occupaient précisément de systèmes tampons, caractéristiques du monde vivant.

La théorie de la dissociation électrolytique d'Arrhenius définit en 1884 l'acide par sa faculté d'émettre des ions hydrogène en solution aqueuse. Le danois S.P.L. Sørensen démontra en 1909 que le facteur déterminant dans les préparations enzymatiques était la concentration en ions H+ du mélange, et non la quantité d'acide ajoutée. Pour soulager les opérations mathématiques, il introduisit la notion d'exposant d'hydrogène pH en employant, au lieu de la concentration des ions hydrogène, son cologarithme. Sur base des mesures électrométriques, Sørensen permit de quantifier la titrimétrie par indicateurs colorés et solutions tampons.

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Physicienne et historienne, Brigitte Van Tiggelen vient d'achever une thèse de doctorat consacrée à Karel Van Bochaute, chimiste des Pays-Bas autrichiens.

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